Un nouveau contrat et la promesse d'une nouvelle vieLe son était grave lourd : amplifié par les nombreuses enceintes du bar et les basses réglées au maximum, le punk-rock de
Fallen Angel, un groupe des années 2380, retentissait dans l’établissement qui n’était pas encore ouvert. De bon matin, Van avait rejoint la barmaid, femme asiatique (bien que cela ne voulait plus dire grand-chose sur Mars) d’une vingtaine d’années qui semblait être beaucoup trop jeune pour lui. Il serrait ses mains contre les hanches de la jeune femme et l’embrassait langoureusement jusqu’à ce que le bruit d’un moteur à l’extérieur ne les arrête. Van recula pour s’asseoir devant le bar et l’asiatique toussota en se mettant au travail.
Un homme asiatique juste un peu plus vieux que la femme entrait dans le bar par la porte de service et déposait un bac de bière martienne sur le comptoir. La femme, surprise, s’exclamait :
« Kuroda ! Qu’est-ce que tu fais là aussi tôt le matin ? Tu ne devais pas venir dans une heure ? » L’homme retira sa belle chemise noire onéreuse pour la mettre sur un siège du bar et s’appuya en face de Van :
« J’ai des choses à régler Himiko. » Il termina sa phrase et balança son poing sur la gueule du Merc. qui vacilla en arrière sous l’impulsion du coup et tomba de son tabouret. Du sang coulait de ses lèvres.
« Putain ! Van ! Je t’ai dit de plus t’approcher de mon bar ! T’as vraiment cru que j’allais te laisser baiser ma femme sous mon toit espèce de fils de pute ?! » Criait-il en haussant les manches de son t-shirt. Van se redressait et frottait la trace sang à la commissure de ses lèvres, de toute ses forces il envoya un direct de la droite en plein contre le nez de Kuroda qui se fractura. L’homme atteint d’une commotion était au tapis. Van renifla bruyamment en souriant et réagit en ouvrant largement ses bras, invitant la demoiselle à venir s’y blottir pour continuer ce qu’ils avaient entamés. La jeune femme regarda son amant en tournant des yeux et se pencha vers son mari. Van ouvrit une bouteille de bière en la décapsulant avec son poignet et la descendit d’une traite :
« Bordel c’est comme ça qu’une bonne journée commence ! » Il dégageait du bar en laissant la juste somme pour payer la bière qu’il venait de se boire.
Van fouillait dans la poche de sa veste en cuir pour prendre son étui à cigares et s’en fumer un avant de se mettre au volant. Il alluma son cigare et prit une première inspiration en se détendant. A travers son Commlinks :
« Ouvre la portière de ma Raystar, Aria » L’IA s’exécutait et la portière de la bagnole s’ouvrait, garée juste un peu plus loin dans la rue d’en face. Le Merc. se mit au volant et reçut un appel juste avant de démarrer :
-
« Van. » -
« C’est Austin Malory, j’ai besoin que tu viennes au bureau de suite. »-
« J’arrive dans vingt minutes. »Van raccrocha l’appel et demanda à Aria d’activer le moteur. L’homme conduisait à une main en fumant son cigare et écoutait du
rock la vitre ouverte. Il se rendait à une Tour de Megacentral pour rendre visite à son employeur. Sûrement un nouveau contrat.
Ah bon dieu qu’est-ce que ça le dégoutait d’aller là, à chaque fois il réprimait son envie de vomir sur le tapis. Quand il était gosse, il trainait dans les déchetteries de Megacity, lui il avait vu la partie sombre de la société et il savait que les pièces parfaitement impeccables de l’immeuble le devaient au malheur de ceux qui vivaient en bas. Putain de merde, Van bouillonnait de l’intérieur et de pulsions révolutionnaires. En tant que Samouraï, il était financé par un haut-cadre d’Eevo Phamaceutics à qui il devait une énorme dette. C’est pourquoi, même si déjà à l’époque il détestait le Consortium, il travaillait quand même pour eux. Le comble, son travail était essentiellement de pousser les mauvais débiteurs à rembourser leurs dettes.
Le mercenaire prenait place dans le bureau et posait ses pieds sur la table de luxe de son employeur :
« Tu me sers un whisky ? » Austin hochait la tête et versait du whisky martien de luxe dans un verre en cristal qu’il tendait à son employé. Cul sec, Van vidait son bourbon et déclarait :
« C’est quoi cette fois ? » Austin s’asseyait face à Van et écrasait son mégot de cigarette dans un cendrier en or :
« Je sais que ce n’est pas ton boulot normalement, mais je veux que tu assassines quelqu’un pour moi Van. Cette fois-ci, c’est ta dernière mission et ensuite ta dette sera remboursée. »« Merde, ça sent l’enculade ça ! » S’énervait le Samouraï.
« C’est quoi le piège ? Fait pas le con Austin. » Le cadre en costume en microfibres frappait sur la table de son bureau et rétorquait d’une voix grave :
« Putain Van ! Toi, tu vas arrêter tes conneries ! Si je le voulais ça ferait longtemps que tu serais mort ou en incarcération ! Tu vas accomplir ce dernier travail comme je te le dis, tu pourras quitter ta carcasse malade et mourante et je t’offrirai une nouvelle enveloppe de qualité comme il était convenu ! Mais si tu continues à me casser les couilles tu finiras à la décharge comme ta mère ! »Van fronçait les sourcils. Parler de sa mère, c’était bien la dernière chose à faire et en temps normal il se serait lever pour lui faire manger ses dents, mais pour l’une des premières fois de sa vie le lourdaud se contentait de rester sur sa chaise en serrant les dents. C’était sa dernière mission avant de pouvoir retrouver sa liberté, ce n’était pas le moment de jouer aux cons par fierté :
« Envoie les infos, je me charge de faire disparaitre ton guss. » Austin soufflait :
« Je préfère ça Van. »Une énorme bombeMalory avait planifié l’assassinat de son patron pour prendre sa place. Il ne fallait pas faire dans la dentelle, mais rester subtil selon les ordres de Malory, car ça ne devait pas ressembler à une opération prévue, plutôt à une attaque d’un déséquilibré ou à un triste accident. Van avait reçu l’emploi du temps de sa cible, ses déplacements, des infos sur ses allergies, sur ses gardes du corps, des détails sur sa voiture, sur son appartement, son lieu de travail, ses collègues, sa famille. Le merc. disposait de toutes les informations nécessaires pour assassiner sa cible.
Effectivement, ce n’était pas son genre de boulot à Van, il ne savait vraiment pas comment s’y prendre. Dans un premier temps, l’homme avait opté pour une attaque sur la route, toutefois il avait vite abandonné l’idée parce que un Samouraï qui attaque un gros bonnet corporatiste à coup de fusil d’assaut, ça passerai pas tellement pour un accident. Un empoisonnement ? Cela serait clairement un meurtre et puis avec l’implant nanonique, Van ne devait pas se faire voir avant les quarante-huit heures de la mort sinon la cible serait dans la capacité de l’identifier. Et puis, il fallait s’assurer que l’implant soit détruit, une simple mort par empoisonnement n’aurait pas pu faire le boulot efficacement. C’était vraiment tendu étant donné les circonstances et les gardes du corps qui le surveillaient toute la journée. Un déséquilibré n’aurait pas pu se pointer comme une fleur avec son pistolet et dégommer les agents, une attaque frontale d’un bandit n’aurait jamais tenu la route durant une enquête.
Finalement, Van opta pour une bombe. Le corps serait détruit, l’implant le serait aussi et personne ne pourrait dire que cet homme était la vraie cible. Le mercenaire opta pour une charge assez puissante au marché noir pour être sûr que le 47ème étage soit brûlé, étage où travaillait Monroe, autrement dit la cible. Mais, pas assez puissante pour détruire le bâtiment. D’autant plus, pour ne pas qu’on fasse remonter l’explosion à sa cible, Van décida de poser la charge au 46ème étage.
Toute cette opération n’aurait jamais pu voir le jour sans avoir l’aide de l’intérieur de Malory qui s’arrangea pour que l’opération soit menée à bien. Le Samouraï infiltra le bâtiment avec l’aide d’un Jumper samouraï qui neutralisa l’un des gardes se chargeant de la surveillance dans la salle de sécurité de l’immeuble et trafiqua les caméras pour que Van n’y soit pas visible tout en le guidant afin d’éviter les agents de sécurité. C’est ici que tout changea. Van posa la charge explosive au 46ème comme prévu et quitta le bâtiment en descendant en rappel :
« Horace, faut que tu bouges, ça va péter et Arès va pas être content. T’as exactement soixante secondes. » Van s’éloigna de quelques mètres de l’immeuble et fit exploser la charge. Une énorme explosion retentit, bien plus grande et dévastatrice que celle prévue. Ensuite, la bonne moitié de l’immeuble s’effondra sur elle-même après que les murs porteurs aient étés pulvérisés. Putain, comme il était censé savoir qu’il s’agissait de murs porteurs ? :
« Putain Horace ? T’as vu ça ? » Horace ne répondait pas :
« Horace ? Tu m’entends ? » Van s’éloignait de la scène de désolation où bientôt agents d’Arès, pompiers, civils et drones s’agglutinaient pour observer la terrible scène qui se passait et sauver les survivants. Van était incapable d’évaluer la teneur exacte des dégâts, mais l’un des principaux bureaux d’Eavo pharmaceutics était dévasté et la poussière retombait sur les ruelles adjacentes. La tour était comme coupée en deux, alors que la partie supérieure s’était effondrée sur elle-même.
Horace demeurant muet, Van coupa la communication et écrasa son oreillette sous la semelle de sa chaussure. Il retourna à sa planque pour se cacher au moins toute une journée. Pendant douze heures, le mercenaire n’avait pas détaché son regard des chaines d’informations qui diffusaient presque toutes la nouvelle. Une cinquantaine de morts découverts sous les décombres, au moins le triple de blessés et des dégâts pour plusieurs millions de dollars martiens. Si Van avait posé la bombe l’après-midi plutôt que le soir, les morts auraient pu s’évaluer à plusieurs centaines.
La seule bonne nouvelle : la cible était effectivement décédée et Van venait de détruire encore une fois, une famille. Il n’en pouvait plus de ce boulot. Couché sur son lit, il fixa pendant longtemps le ventilo de sa planque délabrée. Il ne savait plus quoi penser, plus quoi faire, plus qui il était. Van était complètement paumé.
Malory recontacta son employé trois jours tard :
« Van. On doit parler. Vient à mon bureau. » Le mercenaire répondait à l’affirmative en se mettant en route. C’était la première fois depuis l’attentat qu’il quittait son lit.
Ce fut un piège.
Horace avait été capturé et avait balancé Van. Quand ce dernier arriva au siège principal d’Eavo Pharmaceutics, les agents d’Arès Security l’attendaient. Malory s'était déresponsabilisé totalement lorsqu'il fut questionné et proposa même d'aider à la capture de Van.
Pas de procès, pas de tribunaux, pas de juges. Une condamnation directe et sans appel possible. Horace eut 50 ans d'emprisonnement et Van fut condamné au double pour un attentat qui ne devait pas prendre une telle ampleur, le mercenaire n'avait pas prévu ça et ne voulait pas ça : pourtant ce qui était fait était fait. 97 morts. 74 blessés graves. 216 blessés. 391 millions de dollars martiens en dommages.