"J'appuyais contre la chair aussi fort que le voulez ma mère."

Hex déteste l’amour, l’amour sous toutes ses formes : l’enfantin, le niais, celui de pacotille, l’hypocrite et le sincère. Il ne reste que la passion, celle qui vous consume, qui commence toujours par vous prendre aux tripes. Elle s’installe au bord de votre cœur cette silencieuse amie qui se fait seulement entendre à la nuit tombée. “J’ai besoin de toi, sans toi je ne suis plus rien, reviens-moi sinon je ne réponds plus de rien”, oui celui-là, il vous fait souffrir, vous donne envie de vomir, rien ni personne ne peut le retenir. Ô, ne laisse pas partir ta plus fervente esclave.

Seulement, voilà aucun individu ne trouve grâce à ses yeux, aussi froide que les murmures de l’hiver, ses prunelles écarlate semblent ne pas supporter la vue du monde. L’autre l’insupporte, des soupirs continus s’échappent d’entre ses lèvres charnues, cela ne lui dérange pas de vous ignorer, sans chercher à vous faire répéter. De toute manière, il est simple de savoir quand vous retenez son intention : son corps frémit, son regard s’attendrit et sa tête effectue des mouvements de haut en bas. Pour que ce miracle se produise, parlez-lui de tragédies, d’histoires qui finissent mal, de faits divers qui se terminent par des suicides, d’enquêtes policières sans suite.

“Ils vécurent heureux et eurent pleins d’enfants”, non, “il partit se trouver une femme plus jeune et elle termina avec une ribambelle d’enfants”, oui. Pourquoi mentir ? La vie est dure, la vie est cruelle, rien ne sert de conforter les gens ni de les rassurer. Un jour, ils découvriront le pot aux roses et se retourneront contre vous. Notre dame préfère la vérité, aussi dure à accepter, soit-elle à accepter que le mensonge qui toujours amène des problèmes. D’un côté, elle tente de comprendre ce mode de vie, cette curieuse philosophie. Adossée contre une vitre, sa chevelure cendrée épousant ses formes, ne serait-ce pas là le bruit d'une énième plainte ?

Les contacts physiques l’écoeurent, réellement, des doigts étrangers qui parcourent sa peau laiteuse, lui procure des envies de meurtre. “Mais tu es si belle, au naturel”, de sa beauté la demoiselle en a conscience, aucunement besoin de le lui rappeler, de lui prouver à quel point elle vous plaît. S’il vous plaît, il ne vaut mieux pas tenter le diable, sinon il refusera de vous lâcher. Étrangement, quand on hausse le ton, quand on perd patience et qu’on hurle, étrangement à ce moment-là, précis, la Mère lâche prise et acquiesce. “Oui, d’accord, tout ce que vous voudrez, je suis à votre service”.

Enfin, seulement si la voix entendue sonne, grave, granuleuse presque, grasse aussi. Malgré sa taille, presque le mètre quatre-vingt les hommes à première vue l’effraie, surtout ceux qui prennent de la place. Afin d'éviter, de montrer cette faiblesse au grand jour, elle évite ce genre de spécimens de près et de loin. Cela implique une image assez négative de son propre physique : “rien ne va, ni cette partie, ni celle-là”. Des tas de façons d’y remédier : se priver, brûler, gratter, couper, taillader, piquer… Tout va bien tant que l’acte prend racine de son esprit. Un besoin de contrôle maladif, de maîtriser les moindres changements qu’induit inévitablement la vie. Partagée entre cette envie d’en finir et l’angoisse de la mort, laissera-t-elle le destin choisir ?

Qui était Barbara ?

Les Hills possédaient une demeure à Hidden Valley Estates ; le genre qui se fond parmi les autres, au gazon tondu de près et la barrière toujours repeinte. Oui, ils avaient la chance de séjourner au rez-de-chaussée, rez-de-chaussée qui incluait une minuscule parcelle naturelle. De là, vient son amour des jardins, le sien s’apparentait à un échantillon présenté pendant un salon, mais elle l’aimait. Sa mère ne travaillait pas, son père non plus, enfin si, en gérant les parts achetées par son aïeul. Son entourage lui reconnaissait un talent certain, cependant son manque de partage auprès du reste de la famille nourrissait énormément de jalousie. Les uns et les autres n’allaient pas se visiter, pourquoi faire ?

Passer la soirée à se reprocher les actes et paroles de l’an passé ? Ses oncles, ses tantes, ses grands-parents de chaque côté, tous enviaient la fortune de ses géniteurs. Pour cette raison, ces derniers refusèrent d’accueillir un second enfant. Plus tard, la petite remercia plusieurs fois le ciel de lui avoir épargné ce fardeau. De la maternelle jusqu’au primaire, rien ne la distingua de ses camarades : comportement correct, résultat correct, amis corrects. Cours de musique à côté, du violon pour être exact. Parait-il que cet instrument ancien impressionnait les plus grands. Rien de tout ce cocon préétabli ne faisait naître une passion quelconque, néanmoins, papa hurlait si on ne l’écoutait pas.

Maman acquiesçait toujours, tout ce que pouvait faire papa se trouvait applaudis par elle, à croire qu’elle lui donna son cerveau durant la cérémonie du mariage. Quand ils recevaient des amis, papa occupait énormément la parole, la place aussi puisqu’il parlait avec les mains. Là encore, personne ne trouvait rien à y redire, moi, je devais rester dans ma chambre et jouer avec leurs enfants. Si on osait faire un peu trop de chahut, je me recevais, toujours après que tout le monde soit parti, une claque. Pourtant, j’étais une des plus silencieuses du groupe.

Un de ses oncles recevait Barbara chez lui le temps des vacances scolaires, ses parents partaient sans elle, afin de profiter un maximum de l’argent investi. “Tu feras de même plus tard”, était la phrase qui lui répétait avant chaque départ. Cet homme ne cessait de complimenter son corps : “tu deviens de plus en plus jolie, ne te cache pas de moi, tous les hommes seront à ta merci”. Sans comprendre pourquoi, ce genre de propos la mettait très mal à l’aise. De plus, malgré son surpoids, il l’emmenait toujours à la piscine, mais lui restait sur le bord à l’encourager.

Le 13 janvier, l’année de ses dix ans, des policiers débarquèrent à la porte, ils discutèrent un moment avec Henry, ils repartirent ensuite. Celui-ci l’emmena au salon et commença de longues et tortueuses explications. En clair, Papa et Maman furent victimes d’un crash de vaisseau, on retrouve fort heureusement leurs corps, sans vie. La nouvelle l’ébranla, les larmes refusaient de couleur pour une raison encore inconnue, mais son peu de joie de vivre s’évapora. Henry, ce cher Henry demanda à obtenir sa garde, personne d’autre ne désirait récupérer la gosse.

Henry veut que je l’appelle “Papa”, pourtant, il est toujours mon tonton, non ? Il insiste pour m’aider à me laver, je vais aller au collège l’année prochaine, il peut bien me laisser respirer. Par ailleurs, il refuse catégoriquement que je parle des miens, je suis vraiment toute seule… Enfin, non, je n’arrive pas à me retrouver seule, même pour dormir, il vient me demander de coucher à ses côtés. J’essaie un peu plus tard de m’éclipser du lit, sinon il m’écrase et je dors très mal. Hier, après sa journée de travail, il m’a embrassé sur la bouche, il puait le tabac, j’avais envie de vomir.

Le collège est plus amusant que prévu, les garçons me regardent avec un peu trop d’insistance. Je n’ai pas le droit de leur parler sinon “papa” me fait la morale et quand ça arrive, j’ai envie de me tirer une balle dans la tête. Il continue de… De me toucher, par amour à ce qu’il dit. Mes amies m’ont regardé drôlement quand j’ai tenté d’en parler. Je désirais seulement savoir si cela était normal, j’ai quand même un doute. “Papa” n’accepte pas quand je le repousse.

Sa première fois a fait mal, extrêmement mal, ses joues ont terminé trempées, les draps aussi, le visage de son nouveau paternel également. Son douzième anniversaire se transforma en cauchemar, un horrible cauchemar. Les souvenirs de cette nuit restent encore flous, seules les sensations survécurent au passage du temps. Voilà, le début d’un véritable calvaire qui ne cessa de lui ronger l’esprit et l’âme. “Ferme bien ta bouche, n’en parle pas, de toute manière, on ne te croira pas”, “je fais ça pour ton bien, je dois m’occuper de toi, de ton éducation, ton mari me remerciera”.

Je ne m’en sortirai jamais, ce gros porc continuera à profiter de moi. Il hait me voir vieillir, il refuse que je m’habille comme une lycéenne. Tous mes camarades me traitent comme une gamine, les hommes sont des porcs, lui est le prince des porcs, non le roi ! Il ne me laisse pas tranquille, pas un soir il passe devant la porte de ma chambre sans rentrer. Je suis obligée de ne jamais fermer derrière moi, sinon il… Il me demande de faire des tas de choses horribles. Je pense que la période des vacances reste la pire, je n’ai pas un jour de repos, pas un jour où je ne suis pas souillée…

j’ai mal, si mal, il m’a complètement détruite.

Qui est Hex ?

Il tomba dans les escaliers, cassa quelques marches dans sa chute, Barbara le regarda s’étaler face contre terre. Une flaque de sang se forma sous lui, elle appela les urgences, sans se presser. Une mauvaise chute, aucun témoin, sa nièce faisait ses devoirs dans sa chambre, fin de l’histoire. Devenue adulte, il ne lui restait plus qu’à prendre son indépendance. Avec le minimum de diplôme en poche, peu de métiers se présentaient à elle. Quand on lui pose la question, Hex ne répond jamais sincèrement et reste vague : “je savais m’occuper des autres, alors j’ai continué à offrir du bonheur aux imbéciles”.

La suite de sa vie reste très vague, de ce qu’elle souhaite révéler, ses proches, au sein de la secte, savent que l’illumination la conduisit jusqu’à l’église. Une mère perçut tout son potentiel et décida de la prendre sous son aile. Petit à petit, débutant comme Flagellant au commencement, son zèle marqua les esprits, son aura si lumineuse aussi. Pour la première fois de sa vie, les autres l’acceptaient et la remerciaient. Rien au monde ne lui donnerait envie de quitter sa famille, sa véritable famille. Les épreuves qu’on lui imposa furent là pour lui forger une personnalité supérieure, comme l’expliqua son aînée.

“Oui, j’étais attendue”.